
Bande annonce : https://www.youtube.com/watch?v=N4uOU1zorjE
Quand la promotion d’un projet sanitaire donne lieu à l’un des films japonais les plus cultes de ces dernières années

Invité dans la capitale japonaise pour découvrir le projet The Tokyo Toilet, le metteur en scène Wim Wenders devait à l’origine réaliser un court-métrage documentaire destiné à mettre en lumière cette initiative architecturale. Le concept visait à transformer 17 toilettes publiques du quartier de Shibuya en installations contemporaines, belles et accueillantes.
Mais, il a choisi de dépasser le simple documentaire pour créer un long-métrage de fiction. Avec Perfect Days, il imagine la vie intérieure d’un employé des toilettes publiques.
À travers cette histoire, Wenders rend hommage à ces travailleurs invisibles, souvent ignorés ou dévalorisés. Le tout en explorant la poésie des gestes simples, la beauté du quotidien et la profondeur d’une existence en apparence ordinaire.
Une routine pleine de sens
Hirayama est un homme discret, taiseux et énigmatique. Malgré sa vie au cœur de l’une des villes les plus peuplées et agitées du monde, il incarne une force tranquille en total contraste avec la frénésie urbaine qui l’entoure. Méthodique il accomplit chaque geste du quotidien avec soin, grâce à ses petits rituels.
Chaque matin, Hirayama se réveille au bruit feutré d’un balai dehors. Il se rase la moustache, arrose ses plantes, et prend ses affaires toujours disposées à l’identique. Avant de partir, il lève les yeux vers le ciel et sourit. Il boit ensuite un café en canette devant le distributeur, sans se presser. Sur la route, il admire la Tokyo Skytree et lance sa musique sur cassette. Puis, il entame sa journée de travail en étant profondément investi dans le nettoyage des toilettes publiques. Chaque geste est précis, répété, habité. Sa routine n’est pas monotone, elle est pleine de sens.
Gratitude éternelle

Il semble vivre pleinement l’instant présent, en prenant plaisir dans les petits instants de vie simple comme le jour qui se lève, la lumière filtrant à travers les feuilles, l’arrosage de ses plantes ou encore ses lectures quotidiennes. En prenant le temps de regarder ce qui l’entoure, il s’ancre dans une forme de contemplation méditative, faite de silence, de lenteur et d’émerveillement et qui lui permet de vivre en harmonie avec son environnement.
Mais ce qui frappe surtout, c’est sa capacité à élever la routine au rang d’art. Là où d’autres fuiraient l’ennui, Hirayama embrasse la répétition. Il la transforme en rituel, en acte de présence. Chaque geste devient porteur de sens.
Il manifeste aussi une grande douceur dans sa relation aux autres, faite de discrétion et de générosité. Qu’il tende un billet à son jeune collègue sans rien attendre en retour, qu’il partage un moment complice avec sa nièce ou qu’il apporte du réconfort à un homme mourant, ses gestes sont toujours simples, mais chargés de bienveillance. Et après chacun de ces moments, un large sourire illumine son visage, comme pour remercier la vie de ces moments de partage privilégiés.

Pourquoi il faut regarder ce film ?

Perfect Days est une ode à la vie, une lettre d’amour discrète à la beauté de l’instant. Disons le clairement, il ne plaira certes pas à tout le monde. Son rythme lent, très lent pourra en dérouter certains, moi y compris sur quelques passages. Ce n’est pas Hirayama qui s’adapte au tempo du film, c’est le film qui épouse la cadence paisible de son quotidien. Les dialogues sont rares, les gestes répétés, les journées semblables, et l’ennui parfois palpable. Mais ce qui pourrait d’abord sembler être des défauts, se révèle pour certains spectateurs, comme la source même de sa beauté.
Kōji Yakusho, qui campe le rôle principal, délivre une performance remarquable. Il a un nombre de lignes de dialogues assez insignifiants, tout se passe donc dans le regard, l’attitude et l’émotion. Il parvient parfaitement à retranscrire ce que le réalisateur attendait de lui. Une interprétation qui a, par ailleurs, été saluée par le prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes.
En nous invitant à habiter pleinement l’instant, Perfect Days nous rappelle que la beauté est souvent là où l’on ne regarde plus.

Ma note : 6,5/10
Voir l’article précédent : (Comment soigner les TOC ?)