
Prologue
L’alchimiste, qui se nomme Santiago, feuilleta un livre d’Oscar Wilde racontant la légende de Narcisse. Il connaissait cette histoire de ce beau jeune homme qui allait tous les jours contempler sa propre beauté dans l’eau d’un lac, jusqu’à s’y noyer.
Le lac lui-même pleurait sa mort « Je pleure pour Narcisse, mais je ne m’étais jamais aperçu que Narcisse était beau. Je pleure pour Narcisse parce que, chaque fois qu’il se penchait sur mes rives, je pouvais voir, au fond de ses yeux, le reflet de ma propre beauté.«
Ce passage symbolise le narcissisme et l’égocentrisme dans sa forme la plus exacerbée. Derrière cela, il se cache un besoin immodéré d’admiration et une faculté limitée à comprendre les sentiments d’autrui.
Première partie
Depuis deux ans, Santiago parcourait le pays avec ses brebis en quête de nourriture et d’eau. Il les appelait chacune par leur nom. Il aimait leur lire certains passages des livres qui l’avaient marqué, leur parler des dernières actualités ou de ses rencontres. Il avait toujours été persuadé que les brebis étaient capables de comprendre ce qu’il disait.
Son seul sujet de discussion depuis l’avant-veille, c’était cette jeune fille de commerçant qu’il avait croisée l’année passée et qu’il doit revoir dans quatre jours. Son père possédait un magasin de tissus et l’alchimiste avait besoin de vendre sa laine. C’est en sortant un livre, en étant assise sur le trottoir du magasin, qu’elle l’aborda. « Je ne savais pas que les bergers pouvaient lire des livres ». S’ensuivirent deux heures de discussions sur la vie de l’un et de l’autre où Santiago ressentait quelque chose qu’il n’avait encore jamais éprouvé jusqu’alors : l’envie de se fixer pour toujours dans une même ville avec cette fille aux cheveux noirs.
Il était à la fois tout excité, mais aussi anxieux à l’idée qu’elle l’avait peut-être oublié. Il se rassurait comme il le pouvait « Peu importe, dit-il, parlant à ses brebis. Moi aussi, je connais d’autres filles dans
d’autres villes. » Mais son cœur, lui ne mentait pas.
L’homme qui parcourait les plaines de l’Andalousie depuis deux ans connaissait toutes les villes de la région. Le voyage, c’était ce qui donnait un sens à son existence. Il avait bien l’intention cette fois-ci d’expliquer à la jeune fille pourquoi un jeune berger peut savoir lire.
En effet, ses parents étaient de simples paysans qui travaillaient tout juste pour la nourriture et l’eau, comme ses moutons. Ils rêvaient de voir leur fils devenir prêtre, c’est pourquoi Santiago avait étudié le latin, l’espagnol et la théologie, le tout en intégrant un séminaire jusqu’à ses 16 ans. Mais le jeune garçon aspirait à découvrir le monde. « Chez nous, seuls les bergers peuvent voir du pays » disait son père. Ce à quoi il répondait « Alors, je serai berger. » Le lendemain, il donna à son fils une bourse qui
contenait trois vieilles pièces d’or espagnoles. « Achète-toi un troupeau et va courir le monde, jusqu’au jour où tu apprendras que notre château est le plus digne d’intérêt et nos femmes les plus belles. »
Il repensait à la discussion avec son père et se sentait heureux, car il réalisait son grand rêve : voyager. Quand il se sera fatigué des campagnes d’Andalousie, il pourrait vendre ses moutons et devenir marin. Quand il en aura assez de la mer, il aura déjà connu des quantité de villes, des quantités de femmes, des quantités d’occasions d’être heureux. « C’est justement la possibilité de réaliser un rêve qui rend la vie intéressante. »
À Tarifa, Santiago allait voir une vieille femme capable d’interpréter les rêves, car il venait de faire le même deux fois de suite. Il s’agissait d’un songe montrant un enfant jouant avec ses brebis et le guidant par la main vers le trésor des pyramides d’Égypte. Après l’avoir écouté attentivement, la vieille réclama 10% de la part du trésor, persuadée que si c’est un enfant qui le lui a montré, les pyramides existent bel et bien. Il devait donc aller en Égypte et les trouver pour devenir riche.
Le berger s’en alla, déçu, ne croyant pas à ce qu’il pensait être des inepties. Il repensait aux choses qu’il avait à faire. Ses moutons se trouvaient dans l’étable d’un ami qu’il s’était fait lors de ses nombreuses pérégrinations. L’occasion pour lui de se rappeler à quel point il aimait voyager. Cela permet de se faire de nouveaux amis, mais sans se sentir oppressé et accaparé par eux. Car à force de voir toujours les mêmes personnes, pense-t-il, on en vient à considérer qu’elles font partie de notre vie. Et alors, puisqu’elles font partie de notre vie, elles finissent par vouloir transformer notre vie.
Santiago repensait à la jeune fille qu’il allait voir dans 3 jours. Il visualisait le moment où il tondrait ses brebis devant elle en lui racontant des histoires qu’il avait lues dans des livres. Cela l’impressionnerait, pensa-t-il. C’est alors qu’un vieil homme nommé Melchisédec aborda le berger d’une manière insistante et indiscrète, il proclamait être le Roi de Salem. Le berger, agacé, préféra partir loin de là avec ses moutons, jusqu’à ce que le vieillard déclama « Donne-m’en un sur dix, et je t’apprendrai comment faire pour parvenir jusqu’au trésor caché. »
Dans la foulée, il prit une brindille et écrivait sur le sable le nom de son père et celui de sa mère. Ainsi que de nombreuses anecdotes de sa vie qu’il n’avait jamais racontées à personne. Santiago était plongé dans le plus grand étonnement et demandait au Roi pourquoi il prendrait le temps de discuter avec un simple berger ? « Il y a plusieurs raisons à cela. Mais disons que la plus importante est que tu as été capable d’accomplir ta Légende Personnelle. » Le jeune homme ne savait pas ce que voulait dire « Légende Personnelle. » « C’est ce que tu as toujours souhaité faire » répondait le vieillard. Cette mission de vie, née dans l’âme de l’univers, a tendance à s’étioler au fil des années. Accomplir sa Légende Personnelle est la
seule et unique obligation des hommes. « Quand tu veux quelque chose, tout l’Univers conspire à te permettre de réaliser ton désir. »
Avant de disparaître, le Roi de Salem lui raconte qu’il se métamorphose parfois sous différentes formes afin de venir en aide à celles et ceux qui sont sur le point d’abandonner leur légende personnelle. « Demain, à cette même heure, tu m’amèneras un dixième de ton troupeau. Je t’indiquerai comment réussir à trouver le trésor caché. Allez, bonsoir. » Après mûre réflexion à peser le pour et le contre, Santiago comprit que les brebis, la fille du commerçant, les champs d’Andalousie, tout ça, ce n’étaient que les étapes de sa légende personnelle.
Le lendemain, il retrouva le vieillard accompagné de six moutons. Son ami, qui rêvait d’être berger, lui avait acheté tout le reste du troupeau. « Nous appelons cela le Principe Favorable. Si tu joues aux cartes pour la première fois, tu vas gagner, à coup sûr. La chance du débutant », de cette façon, la vie met tout en œuvre pour que nous vivions notre légende personnelle.
Il lui dit que pour trouver le trésor, il devra être attentif aux signes. Au même moment, une phalène s’envola. Son grand-père lui avait dit jadis qu’ils étaient signe de chance. Il lui donnait également une pierre blanche et une pierre noire : Ourim et Toumim. La noire veut dire “oui”, La blanche veut dire « non ». Elles permettront au berger de prendre une décision par lui-même quand il ne parviendra pas à voir les signes. Avant que les hommes ne se séparent, le vieillard lui conte une dernière histoire. La morale de celle-ci, c’est que le bonheur dépend de la faculté à pouvoir regarder toutes les merveilles du monde, mais sans jamais oublier ce qui est le plus important pour lui.
Arrivé à Tanger, le jeune homme se sentait désarçonné, perturbé par cette culture si différente de celle qu’il connaissait. Mais il n’en perdait pas pour autant sa motivation et son but.
Il fit la connaissance d’un Arabe de son âge qui l’abordait à la terrasse d’un café. Santiago était soulagé, car lui aussi parlait espagnol, il se sentait en confiance. Cela devait être un signe. Les deux hommes échangèrent, le nouveau venu accepta de devenir son guide en lui faisant traverser le Sahara. Dès demain il sera au pied des pyramides. Mais pour cela, il devait d’abord acheter deux chameaux. C’est en se rendant au marché bondé de la ville qu’il comprit qu’il s’était fait duper. Le jeune Arabe profitait d’une seconde d’inattention pour se volatiliser avec l’argent que Santiago lui avait préalablement donné.
Démuni, il se sentait trahi et pleurait ainsi à chaudes larmes. Il avait tout perdu : son troupeau, son pays, la jeune fille qu’il convoitait, son argent. « Que vais-je faire? Je vais être plus amer et n’aurai plus confiance en personne parce qu’une personne m’a trahi. Je vais haïr tous ceux qui ont trouvé des trésors cachés, parce que je n’ai pas trouvé le mien. Et je vais continuellement chercher à conserver le peu que j’ai, parce que je suis trop petit pour embrasser le monde.«
Après avoir envisagé de revendre les deux pierres précieuses, il se rétracta finalement lorsqu’elles lui confirmèrent que la bénédiction du vieillard était toujours sur lui. Il comprit qu’il avait deux choix possibles : soit jouer le pauvre moi malheureux et adopter une position de victime. Ou bien, regarder ce monde nouveau comme un vaste terrain de jeu ou il devenait alors un aventurier en quête d’un trésor.
Le lendemain, il se réveillait le sourire aux lèvres, heureux d’être un aventurier qui avait foi en la vie. De plus, il savait maintenant parfaitement discerner si une personne vivait ou non sa légende personnelle, rien qu’en la regardant. Avant de reprendre son chemin, il remarqua cette entraide formidable entre un arabe et un espagnol qui ne parlaient pas la langue de l’autre. « Il existe un langage qui est au-delà des mots, se dit-il. J’avais déjà eu cette expérience avec les brebis, voici maintenant que je fais la même avec les hommes. » Serait-ce le langage de l’amour ?
Un marchand de cristaux se levait avec cette boule d’angoisse qu’il éprouvait chaque matin. Il exerçait ce métier depuis 30 ans et ne savait faire que ça. Désormais il était trop tard pour changer. Si autrefois son commerce était florissant, cela faisait bien longtemps que ce n’était plus le cas. Quand soudain, Santiago entra dans sa boutique…
Le jeune homme proposa de nettoyer les vases sales du commerçant en échange de nourriture. Grâce à son aide précieuse, deux clients en achetèrent plusieurs. Pendant le repas, le marchand lui proposa de travailler pour lui. Santiago répondait favorablement, mais seulement le temps d’une journée, pour pouvoir avoir de l’argent et être en Égypte dès le lendemain. « Même si tu nettoyais mes cristaux pendant toute une année, même si tu gagnais une bonne commission sur la vente de chacun d’entre eux, il te faudrait encore emprunter de l’argent pour aller jusqu’en Égypte ». Cette réponse anéantit le berger qui ne ressentait rien, mis à part l’envie de mourir. Tous ces rêves s’étaient envolés. Après un long temps de silence, il se leva et accepta la proposition. Il avait besoin de cet argent pour acheter des moutons.
Deuxième partie
Cela faisait maintenant presque un mois que le jeune homme travaillait chez le marchand. Il recevait une belle commission sur chaque vente et le commerce avait quelque peu prospéré. Il eut l’idée de faire un éventaire pour les cristaux afin d’attirer les passants. Le commerçant se montrait sceptique.
Le surlendemain, il reparla de l’éventaire à son jeune employé qui lui expliqua que de cette façon, il pourrait retourner plus vite à ses brebis. « Je veux retourner plus vite à mes brebis. Quand la chance est de notre côté, il faut en profiter. C’est ce qu’on appelle le Principe Favorable. Ou encore “ la chance du débutant. » Le vieux se mit à pleurer en évoquant les cinq obligations du Coran. L’une d’elles était le pèlerinage jusqu’à la ville sainte de La Mecque. Il explique à Santiago que c’est la Mecque qui le maintien en vie, mais qu’il n’ose pas réaliser son rêve de peur d’éprouver une immense déception. Il préfère se contenter de rêver. Ce jour-là, le marchand donna au jeune garçon l’autorisation de construire l’éventaire.
Deux mois passèrent, et le jeune homme était fier de lui et emplit de gratitude. L’éventaire était un tel succès que dans 6 mois, il aurait suffisamment d’argent pour acheter 120 moutons et retourner en Espagne. De plus, il appréciait son emploi, l’Égypte, et il avait même appris l’arabe, le langage sans paroles, les signes ou bien encore le commerce des cristaux.
Le jeune homme eut une nouvelle idée : servir du thé dans des verres en cristal. Le soir même, le marchand l’invita à fumer du narguilé et lui avoua qu’il a été pour lui une bénédiction qui lui a permis d’entrevoir des richesses et des horizons dont il n’avait jamais eu idée. Mais il se sentait triste. « Maintenant que je les connais, et que je connais mes immenses possibilités, je vais me sentir beaucoup
plus mal que je n’étais auparavant. Parce que je sais que je peux tout avoir, mais je ne le veux pas. » Puis, il lui donnait son accord pour vendre du thé aux clients dans des verres en cristal.
La nouvelle idée de Santiago rencontrait un franc succès. Tout le monde se précipitait pour aller boire le thé, d’autant plus que la boutique se situait tout en haut d’une rue en pente. Le marchand fut obligé d’employer deux autres salariés.
11 mois et 9 jours plus tard, c’était l’heure du grand départ. « C’est aujourd’hui que je m’en vais, dit le jeune homme. J’ai l’argent qu’il faut pour acheter mes moutons. Et vous en avez assez pour aller à La Mecque. » Le vieil homme le remerciait pour tout et lui dit qu’il n’irait pas à La Mecque, de la même manière que lui ne rachèterait pas ses moutons.
Au moment de plier bagages et de quitter la boutique pour rejoindre l’Espagne, Santiago commençait à hésiter. Et si ce rêve de retourner au pays entouré de ses moutons n’était finalement pas le sien ? L’excitation qu’il éprouvait à l’idée de partir à l’aventure était bien plus forte que celle qu’il éprouvait à l’idée de redevenir berger.
Un voyageur anglais, ayant passé toute sa vie à la recherche du langage unique que parle l’Univers, voulait, lui aussi, croire aux signes. Il parlait l’espéranto, connaissait parfaitement les diverses religions, mais était encore perfectible en tant qu’alchimiste. Son rêve absolu était de trouver la Pierre Philosophale. Et pour cela, il devait partir en direction de la ville de Fayoum et rencontrer un alchimiste qui, lui a t’ont dit, est doué de pouvoirs exceptionnels. « Les gens racontent qu’il est âgé de deux cents ans et qu’il est capable de transformer en or n’importe quel métal. » Il quitta son enclos à bétail pour prendre cette caravane qui traversait le Sahara en faisant escale à l’endroit désiré.
Santiago était encore hésitant sur la décision à prendre. Mais il comprenait maintenant une chose importante : que les décisions représentaient seulement le commencement de quelque chose. Il entama une discussion avec un Anglais qui lui paraissait revêche de prime abord, mais les deux hommes avaient en fait beaucoup de choses en commun. Lorsque le jeune homme sortit Ourim et Toumim de sa poche, l’Anglais réagissait aussitôt. Ils discutèrent des signes, des rois et de leurs objectifs respectifs.
Les deux hommes quittèrent l’entrepôt. Ils avaient acheté des chameaux et étaient prêts à partir. La caravane regroupant plus de deux cents personnes se mit enfin en route direction Fayoum. « Plus on s’approche de son rêve, plus la Légende Personnelle devient la véritable raison de vivre » pensa-t-il
Durant les premiers jours de voyage, l’ancien berger a noué une relation d’amitié avec le chamelier qui se trouvait constamment à côté de lui. L’anglais, lui, était la plupart du temps plongé dans ses livres. Les deux hommes se racontaient leurs aventures passées. Autrefois, il avait un potager et une vie de famille. Lors de son périple en direction de la Mecque pour s’affranchir de sa dernière obligation, le Nil emporta toutes ses terres, tout ce qu’il avait bâti. C’est alors qu’il entendit la parole d’Allah : personne ne doit avoir peur de l’inconnu, parce que tout homme est capable de conquérir ce qu’il veut et qui lui est nécessaire. « Tout ce que nous craignons, c’est de perdre ce que nous possédons, qu’il s’agisse de notre vie ou de nos cultures. Mais cette crainte cesse lorsque nous comprenons que notre histoire et l’histoire du monde ont été écrites par la même Main. »
Un soir, le chamelier partait informer le jeune homme et l’Anglais que des rumeurs de guerre entre les clans se propageaient. Mais une fois engagé dans le désert, il n’y a plus de retour en arrière possible. Le reste était entre les mains d’Allah. Le chef de la caravane dû imposer certaines règles pour éviter d’attirer l’attention.
Santiago racontait à son ami européen toute son histoire, y compris l’épisode de la boutique qui a permis au marchand et à son commerce de prospérer davantage. « Ce qu’on appelle en alchimie l’Âme du Monde. Quand on désire quelque chose de tout son coeur, on est plus proche de l’Âme du Monde. C’est toujours une force positive. » dit l’Anglais. Il appuya ses propos en affirmant que tout ce qui existait sur terre avait une âme, si bien que les vases de cristaux eux-mêmes collaboraient à sa réussite. L’Espagnol, lui, dit que le désert vérifiait s’il était en parfaite syntonie avec la caravane, car ils parlent le même langage. Si tel était le cas, il la guiderait jusqu’à l’oasis.
L’Anglais reconnaissait qu’il devait accorder un peu plus d’attention à la caravane. « Et moi, il faut que je lise vos livres », répliqua Santiago.
Le Grand Oeuvre en alchimie est la réalisation de la Pierre Philosophale, susceptible de transmuter les métaux, de guérir à coup sûr et d’apporter l’immortalité. La partie liquide du Grand Oeuvre est appelée Élixir de longue vie. C’est elle qui permet de guérir toutes les maladies et d’empêcher l’alchimiste de vieillir. La partie solide était quant à elle la Pierre Philosophale. « Il n’est pas aisé de découvrir la Pierre Philosophale, dit l’Anglais. Les alchimistes restaient plusieurs années dans leurs laboratoires, à observer ce feu qui purifiait les métaux. » Un simple bout de fragment de la Pierre Philosophale peut transformer de grandes quantités de métal en or. Cela fascinait Santiago a tel point qu’il lut de nombreuses biographies. Mais l’aspect cryptique et codé permettant de parachever le Grand Œuvre le désorienta. Seuls les esprits opiniâtres, les chercheurs acharnés, peuvent arriver à réaliser le Grand Œuvre.
L’Anglais fut déçu. Les années d’étude, les symboles magiques, les mots difficiles à comprendre, les appareils de laboratoire, rien de tout cela n’avait impressionné le jeune garçon. De la même manière que les caravanes n’ont pas impressionné l’Anglais. « Sa manière à lui n’est pas la mienne, et ma manière n’est pas la sienne. Mais nous sommes l’un et l’autre à la recherche de notre Légende Personnelle, et c’est pourquoi je le respecte.«
La guerre des clans avait commencé, mais elle n’inquiétait pas outre mesure le chamelier qui lui faisait l’éloge de l’instant présent. « Si tu peux demeurer toujours dans le présent, alors tu seras un homme
heureux »
En ouvrant les yeux le lendemain matin, le cortège vit enfin l’Oasis qui n’était plus qu’à quelques encablures à peine. L’espagnol se contentait simplement de de vivre le moment présent, en silence, et sans se soucier du reste.
L’Oasis était bien plus grande qu’il ne pensait. Elles étaient habitées principalement par les femmes et les enfants. Les guerriers, eux, se battaient au milieu des sables du désert, laissant les Oasis en paix, comme lieux d’asile. Le chef de la caravane leur dit qu’ils resteraient ici le temps que durerait la guerre. Les tentes leur serviraient d’abri. L’anglais était heureux d’être arrivé à destination. Quant à Santiago, il savait que le plus dur ne faisait que commencer et que c’était maintenant, plus que jamais, qu’il devait faire preuve de courage et de patience. C’était le lot de tous ceux qui accomplissaient leur légende personnelle.
Santiago et l’Anglais se mirent à la recherche de l’Alchimiste. Mais l’Oasis était vaste et les habitants peu enclins à répondre à ces deux étrangers allant à l’encontre de leurs traditions. Le jeune Espagnol, qui parlait mieux l’arabe, s’avança vers une femme pour l’interroger au sujet de l’Alchimiste. Lorsque leurs regards se croisèrent, plus rien ne semblait avoir d’importance si ce n’est le moment présent. Tout ce qu’il comprenait en cet instant, c’était qu’il se trouvait devant la femme de sa vie, et sans la moindre nécessité de paroles, elle aussi devait le savoir. C’était le pur langage universel, celui de l’amour. La jeune femme s’appelait Fatima.
Fatima avait indiqué le lieu ou se trouvait l’alchimiste, mais l’Anglais était revenu déçu. La seule chose qu’il lui a dite, c’était d’essayer de transformer du plomb en or. Son ami Santiago l’incitait alors à essayer.
Le jeune Espagnol avoua son amour à celle qu’il a toujours désirée. Il lui expliquait la raison de sa venue ici, et voyait désormais la guerre comme une bénédiction puisqu’elle lui a permis d’être immobilisé auprès d’elle. Elle connaissait à présent son état d’esprit et sa façon d’aborder la vie. Elle aussi croyait à tout cela. « Tu m’as parlé de tes rêves, du vieux roi, du trésor. Tu m’as parlé des signes. Voilà pourquoi je ne crains rien, parce que ce sont ces signes qui t’ont amené à moi. Et je fais partie de ton rêve, de ta Légende Personnelle. Si je fais partie de ta Légende, tu reviendras un jour. » »
L’anglais, quant à lui, avait érigé un petit four. C’était la première étape vers la réalisation du grand œuvre. Dorénavant, il n’avait plus peur de l’échec et ne regrettait plus le temps perdu.
Le jeune Espagnol, en voyant l’un des éperviers descendre en piqué pour attaquer l’autre, eut une brève vision. L’Oasis allait être attaquée par une troupe armée. Il en informa le chamelier qui lui dit d’en avertir le chef de tribu.
Il se dirigea alors vers la tente luxueuse des huit chefs de tribus en leur expliquant qu’il est venu ici pour apporter un message du désert. « Mes yeux ne sont pas encore habitués au désert, de sorte que je peux
voir des choses que les yeux trop habitués n’arrivent plus à voir. » En ajoutant qu’il a la chance de savoir « ce je sais « ce qu’est l’Âme du Monde. » Après un conciliabule entre les différents leaders, un vieillard qui n’avait pas pris part à la discussion s’exprima : « La Tradition dit qu’une oasis est un terrain neutre, parce que les deux camps ont des oasis et sont vulnérables. Mais la Tradition nous dit aussi de croire aux messages du désert. Tout ce que nous savons, c’est le désert qui nous l’a enseigné. »
Le vieillard mit fin à la réunion en indiquant à Santiago qu’ils allaient rompre l’accord qui dit que nul ne doit porter une arme à l’intérieur de l’Oasis. Mais si l’ennemi ne venait pas, il devrait en payer le prix de sa vie. Car, comme le désert, les armes sont capricieuses et si on les sort pour rien, elles peuvent ensuite refuser de faire feu.
Santiago était tourmenté, mais assumait pleinement ses choix. Quoiqu’il se passe le lendemain, il pouvait être fier de tous ses accomplissements et d’avoir choisi de vivre sa légende personnelle. « Mektoub » se dit-il, le reste appartient à la volonté de Dieu. Quand soudain apparu un cavalier tout de noir vêtu, sortant l’épée de son fourreau : « Qui a osé lire dans le vol des éperviers ? », l’ancien berger répondit favorablement en acceptant en paix la sentence de la mort. « De nombreuses vies vont être sauvées, parce que vous aviez compté sans l’Âme du Monde. Qui es-tu, pour changer le destin tracé par Allah? » « Allah a fait les armées, et il a fait aussi les oiseaux. Allah m’a montré le langage des oiseaux. Tout a été écrit par la même Main », dit le jeune homme »
Santiago lui expliquait alors être arrivé jusqu’en Égypte pour accomplir sa légende personnelle. Même si, pensa-t-il, le cavalier n’était pas en mesure de pouvoir le comprendre. Mais, à son grand étonnement, il y était réceptif. Ses paroles lui rappelaient celles du vieux roi. « Si les guerriers arrivent, et si ta tête est encore sur tes épaules demain après le coucher du soleil, viens me voir ». Il venait de rencontrer l’alchimiste.
Le lendemain matin, les cavaliers du désert attaquaient l’Oasis, car ils manquaient de vivres. Mais ils ont vite été encerclés par les locaux ; 499 cadavres au total, aucun n’a été épargné. Le jeune homme reçut cinquante pièces d’or de la part du chef de tribu et fut désigné Conseiller de l’Oasis.
Le jeune homme alla voir l’alchimiste qui l’invita à se mettre à table. Ce dernier souhaitait l’aider à trouver son trésor, mais Santiago rétorqua qu’il y avait une guerre et qu’il était de toute façon très heureux de ce qu’il avait : l’argent, Fatima, un chameau. « Ton trésor doit absolument être trouvé pour que tout ce que tu as découvert en chemin puisse avoir un sens. » Il l’enjoint ensuite à vendre son chameau pour acheter un cheval. Les chameaux sont traîtres.
Le lendemain soir, les deux hommes partirent sur la monture dans le désert. « Montre-moi la vie dans le désert, dit l’Alchimiste. Seul celui qui peut y trouver la vie peut aussi y découvrir des trésors. » En difficulté, le jeune Espagnol se laissa guider par son cheval après que son mentor lui ait dit que « la vie attire la vie. »
Soudain, le cheval s’arrêta devant un trou dans le sol situé entre des pierres. L’alchimiste en retira un serpent venimeux et mortel : le Nanja. Il était rassuré, car le jeune homme avait pu trouver de la vie dans le désert. C’était le signe qu’il lui fallait, parce que les pyramides se trouvent au milieu de cette étendue de sable. Mais, Santiago n’éprouvait plus le désir de remplir sa quête depuis qu’il avait rencontré Fatima.
L’alchimiste lui raconta alors ce qu’il se passerait s’il décidait de rester à l’Oasis. La première année, tout se passera bien avec un poste de Conseiller de l’Oasis, un mariage, une vie faste et la compréhension de plus en plus forte des signes. Puis, cela se dégradera peu à peu et lors de sa quatrième année, les signes l’abandonneront. Il sera destitué de sa charge au conseil et vivra dans le regret. « l’Amour, en aucun cas, n’empêche un homme de suivre sa Légende Personnelle. » Après mûre réflexion, le jeune homme décida d’aller au bout de son objectif. Il se sentait soulagé
Avant son départ prévu le lendemain matin, il allait voir sa bien-aimée pour lui annoncer son départ. L’Oasis, à partir de ce jour, serait pour elle un lieu vide.
« Ne pense pas à ce qui est resté en arrière, dit l’Alchimiste, quand ils commencèrent à chevaucher dans les sables du désert. Tout est gravé dans l’Âme du Monde et y restera pour toujours. » Au bout du septième jour de voyage, il félicita l’espagnol d’avoir vécu sa légende personnelle. En lui rappelant que la seule façon d’apprendre, c’est le passage à l’action et que pour comprendre le désert, il faut écouter son coeur, parce qu’il vient de l’âme du monde.
Lors des cinq jours suivants, et alors qu’ils s’approchaient du but, le jeune homme avait le coeur agité et en perpétuelle activité. C’est bien, répondit l’Alchimiste. Cela prouve que ton coeur vit. Il est normal
d’avoir peur d’échanger contre un rêve tout ce que l’on a déjà réussi à obtenir. Il lui conseilla de ne jamais chercher à le faire taire, mais plutôt d’écouter ses rêves et ses désirs. Ainsi, Santiago cessa d’avoir envie de retourner à l’Oasis et son coeur lui dit qu’il était content.
Maintenant que le coeur du jeune homme était en paix, le sage évoqua le dernier élément qu’il manquait à son savoir : comprendre les enseignements appris durant son parcours. « Une quête commence toujours par la Chance du Débutant. Et s’achève toujours par l’Epreuve du Conquérant.«
Plus tard, trois guerriers fouillaient les deux hommes en leur demandant ce qu’ils faisaient là. L’alchimiste leur indiqua qu’il possédait une Pierre Philosophale et un Élixir de longue vie, ce qui fit éclater de rire le trio. Ils avaient trouvé la réponse très amusante, et ils les laissèrent partir sans plus d’embarras. Médusé, le jeune homme se demanda s’il n’était pas fou, mais le mentor lui révéla qu’il a agi ainsi pour lui montrer une loi du monde toute simple. Cette loi est que les hommes sont incapables de discerner quand un trésor est sous leurs yeux, parce qu’ils n’y croient pas eux-mêmes.
Les jours suivant, le coeur du jeune homme était en parfaite syntonie avec son hôte. Le passé et le futur n’avaient plus d’importance, seul l’instant présent dans le désert comptait. Quand son coeur parlait, c’était pour encourager le jeune homme qui trouvait parfois terriblement lassantes ces longues journées de silence.
Il ne restait plus que deux jours de marche avant d’atteindre les pyramides. Santiago voulait absolument connaître les secrets de l’alchimie et la façon de transformer le plomb en or. « Tu sais déjà ce qu’il y a à savoir. Il n’y a qu’à pénétrer dans l’Âme du Monde et découvrir le trésor qu’elle a réservé à chacun de nous » lui répond le vieux sage. Alors que le soleil commençait à décliner, des centaines de cavaliers couvraient toute l’étendue des dunes et emmenaient les deux voyageurs jusqu’à un campement militaire.
A l’intérieur de la tente, se trouvait un chef de guerre entouré de son état-major. Le sage prit la parole et inversa les rôles en déclarant que le jeune Espagnol était l’alchimiste. « Il connaît les pouvoirs de la nature. Et souhaite montrer au commandant ses extraordinaires capacités. S’il le voulait, il détruirait ce
campement en utilisant la seule force du vent. » Il leur avait également donné la bourse de Santiago. Les hommes rirent aux éclats, mais pas le chef qui demanda à voir une chose pareille. Le vrai alchimiste déclara qu’il faut 3 jours à son compagnon pour pouvoir se transformer en vent. En cas d’échec, ils donneraient humblement leur vie.
Le jeune homme était terrifié. Tout l’argent qu’il avait pu gagner durant l’entièreté de sa vie s’était envolé, et il ne lui restait plus que 3 jours à vivre puisqu’il ne savait pas se transformer en vent. Son mentor lui rappela que la seule chose qui puisse rendre un rêve impossible, c’était la peur d’échouer.
Les trois jours passèrent, le chef suprême et sa garde rapprochée allaient voir Santiago qui leur demanda un peu de temps pour converser avec le désert. Celui-ci répondait qu’il ne pouvait rien faire, mais que le vent pourrait être d’une grande aide. Ce dernier était surpris de voir que le jeune homme était capable de parler le langage du désert et du vent. Santiago répondit que c’était son coeur qui le lui avait appris. Malgré ses efforts, il dut reconnaître ses limites. Il était incapable de transformer un homme en vent. Et il ne connaissait pas non plus l’Amour.
Le vent le rediriga vers le soleil « le vent m’a dit que tu connaissais l’Amour, dit le jeune homme au Soleil. Si tu connais l’Amour, tu connais aussi l’Ame du Monde, qui est faite d’Amour. » Le soleil affirma connaître l’Ame du monde et ajouta « chacun a sa Légende Personnelle, c’est vrai, mais un jour cette Légende Personnelle sera accomplie. Il faut donc se transformer en quelque chose de mieux, et avoir une nouvelle Légende Personnelle jusqu’à ce que l’Ame du Monde soit réellement une seule et unique chose. » Le soleil lui révéla qu’il ne savait pas comment le transformer en vent, mais qu’il y arriverait s’il voit la Main qui a tout écrit.
C’est alors que le vent poussa un cri de satisfaction et souffla avec plus de force que jamais et emporta presque tout sur son passage. Santiago se tourna alors vers la Main qui avait tout écrit. Il priait, et dans le
silence qui s’ensuivit, il comprit que le désert, le vent, le soleil cherchaient aussi les signes que cette Main avait écrits, qu’ils voulaient suivre leurs routes et entendre ce qui était gravé sur une simple émeraude. Cette main était capable de réaliser des miracles, comme transformer des océans en désert.
Le jeune homme se plongea dans l’Ame du Monde et vit que l’Ame du Monde faisait partie de l’Ame de Dieu, et vit que l’Ame de Dieu était sa propre âme. Et qu’il pouvait, dès lors, réaliser des miracles.
Les hommes étaient en effroi après ces actes de sorcelleries, cependant deux hommes souriaient. L’alchimiste qui avait trouvé son disciple et le chef suprême, parce que ce disciple avait entendu la gloire de Dieu. Il les laissa partir.
Après une journée de marche, les deux hommes firent escale dans un monastère. L’Alchimiste en profita pour changer du plomb en or sous le regard émerveillé du jeune homme qui lui demandait s’il pourrait apprendre un jour à en faire autant. « C’est ma Légende personnelle et non la tienne, répondit l’Alchimiste; mais je voulais te montrer que c’est possible. »
Avant de partir, l’Alchimiste partagea le disque d’or en 4 morceaux. Un pour lui pour son retour de voyage, un pour le moine pour son hospitalité, et deux pour Santiago qui s’était fait voler à deux reprises.
Après deux heures et demie de marche, il était désormais tout proche du but. « Là où sera ton trésor, là sera également ton coeur », avait dit l’Alchimiste. Et alors qu’il se préparait à gravir une dune, son coeur lui murmura à l’oreille. « Fais bien attention à l’endroit où tu pleureras; car c’est là que je me trouve, et c’est là que se trouve ton trésor ». »
Arrivé au sommet de la dune, son coeur bondit dans sa poitrine, car se dressaient devant lui les Pyramides d’Egypte. Il tomba à genoux et pleura. Il remerciait Dieu d’avoir cru à sa Légende Personnelle et de lui avoir permis de rencontrer des personnes le guidant vers son destin.
A l’endroit ou étaient tombées ses larmes, un scarabée se promenait. En Egypte, ils sont le symbole de Dieu, c’était encore un signe. Alors qu’il creusait sans discontinuer durant toute la nuit, il entendit tout à coup des pas. C’étaient des réfugiés de guerre qui s’étaient approchés de lui pour voler son or.
Ils le forcèrent à continuer de creuser et comme il ne trouvait toujours rien, ils commencèrent à le frapper. Santiago sentit que la mort était proche. Il raconta à ses assaillants qu’il avait rêvé par deux fois d’un trésor enfoui à proximité des pyramides d’Egypte. Le chef se tourna vers le jeune homme et lui dit : « Tu ne vas pas mourir, lui dit-il. Tu vas vivre, et apprendre qu’on n’a pas le droit d’être aussi bête. Ici, exactement là où tu te trouves, il y a maintenant près de deux ans, j’ai fait un rêve qui s’est répété. J’ai rêvé que je devais aller en Espagne, chercher dans la campagne une église en ruine où les bergers allaient souvent dormir avec leurs moutons, et où un sycomore poussait dans la sacristie; et si je creusais au pied de ce sycomore, je trouverais un trésor caché. Mais je ne suis pas assez bête pour aller traverser tout le désert simplement parce que j’ai fait deux fois le même rêve. »
Avant de partir, le jeune homme se releva pour regarder les pyramides lui sourirent, il avait trouvé son trésor.
Epilogue
Santiago retourna à l’église en ruine en se remémorant tout son parcours depuis le début. S’il n’avait pas
cru aux rêves qui se répètent et s’il n’avait pas suivi les signes de Dieu, il n’en serait pas là. Il se mit à creuser au pied du sycomore jusqu’à ce qu’il découvre un coffre recouvert de pièces d’or, de pierres précieuses et d’objets de grandes valeurs. « En vérité, la vie est généreuse pour celui qui vit sa Légende Personnelle », pensait-il. Puis, le vent se remit à souffler avec des effluves qu’il connaissait bien et le murmure d’un baiser qui se posa sur ses lèvres. « Me voici, Fatima, dit-il. J’arrive. »
Voir l’article précédent (Les discours impactants : Jack Ma)